L’Italie, tout comme la France, est un pays hors norme et qui force l’admiration : elle possède une forte tradition intellectuelle, une forte tradition spirituelle, une forte tradition politique. Nous, Français, sommes particulièrement proches des Italiens culturellement parlant, j’ai pu le constater à de nombreuses reprises lors de mes différents voyages chez eux, car ces derniers sont des têtus à la tête et au coeur bien faits.
a) Les points forts du mouvement italien de lutte contre les lois menaçant la différence des sexes :
– L’Italie est l’un des seuls États-membres de l’Union Européenne à n’avoir approuvé aucun « droit LGBT ». Et même si, en ce moment, elle subit d’énormes pressions, elle continue de tenir bon. La loi sur l’homophobie n’est pas encore passée. Et le 21 juillet dernier, le pays s’est même fait tirer les oreilles par la Cour Européenne des Droits de l’Homme parce qu’il n’avait toujours pas accepté dans sa législation nationale l’Union Civile – la loi la plus dangereuse, car elle EST le « mariage pour tous » en réalité.
– L’Italie ose assumer davantage le Christ et sa foi que les Français. C’est un grand avantage et un vrai facteur d’unité… même si, comme en France, la plupart des membres du Clergé sont morts de trouille et préfèrent ne pas se positionner (beaucoup de Sentinelle In Piedi m’ont avoué qu’elles se sentaient abandonnées par leur curé).
– Autre avantage pour l’Italie : chez elle, les mouvements pro-Life et les Sentinelle In Piedi sont plus nombreux et puissants que La Manif Pour Tous qui heureusement a moins de pouvoir en Italie qu’elle n’en a eu en France. Il y a donc moins de tiédeur et les Italiens peuvent assumer davantage ce qu’ils pensent, s’exprimer en vérité ! Ils n’ont pas à souffrir le côté laïcard et apolitique de La Manif Pour Tous, à subir la police interne. La prolifération des associations pro-Vie permet aussi une plus grande mobilité et improvisation (c’est en seulement deux semaines que les Italiens opposés au « mariage gay » ont pris d’assaut Rome le 20 juin 2015, Piazza San Giovanni : il faut le rappeler!).
– L’Italie a davantage de recul sur la stratégie à adopter, car elle a vu des pays comme la France tomber après avoir bien lutté contre le « mariage gay ». Elle peut donc éviter beaucoup d’erreurs.
– L’Italie a une presse et des sites internet alternatifs qui permettent à de nombreux mouvements y compris ecclésiaux d’avoir un langage clair et libre : Tempi.it (directeur : Luigi Amicone), La Nuova Bussola Quotidiana, La Croce (directeur : Mario Adinolfi), etc.
b) les points faibles du mouvement italien de lutte contre les lois menaçant la différence des sexes :
– L’Italie voit toutes les lois pro-gays arriver en même temps… d’où la menace de dispersion de ses forces.
– L’Italie imite encore trop la France, en centrant son argumentaire sur la métaphore nataliste (« la famille », « l’Enfant », « la Vie », et des mots terroristes de la novlangue tels que Gender ou GPA) pour éviter de parler du nerf de la guerre : la bipolarité hétérosexualité-homosexualité. Ce refus d’utiliser les 3 mots « hétérosexualité », « homosexualité » et « homophobie » contribue à disperser les troupes et à multiplier les sous-groupes. Et il prête le flanc à la justification de l’Union Civile visant à limiter les dégâts filiatifs du « mariage homo » (cf. le discours Dolce & Gabbana).
– L’Italie se cache trop derrière des experts, juristes, hommes politiques, qui ne sont pas assez directement liés à l’homosexualité pour être crédibles. Il n’y a pour l’instant qu’un seul homme homosexuel qui a eu le courage d’offrir publiquement son nom et sa personne pour la cause : Giorgio Ponte. C’est trop peu. Le seul moyen pour neutraliser toutes ces lois qui passent au nom de la croyance populaire en « l’amour homosexuel », c’est que des personnes homosexuelles et continentes se lèvent et se mettent aux commandes du mouvement d’opposition au « mariage gay » pour expliquer ce que sont l’homophobie, l’hétérosexualité et l’homosexualité (cf. mes 33 conseils à l’Italie + ma courte synthèse sur l’homophobie).
-L’initiative « citoyenne et anonyme » des Sentinelle In Piedi (l’équivalent de nos Veilleurs debout en France) a pris une ampleur incomparable par rapport à la France, car elle se substituait aux manifs de rue, au départ. Pour le coup, les veillées des Sentinelle italiennes sont beaucoup plus violentes et dangereuses que celles des Veilleurs français. S’afficher à ce type d’« happening » a des conséquences sociales et amicales souvent lourdes. À mes yeux, ces initiatives sont plus risquées qu’utiles, sont un peu « suicidaires socialement » car il y a exposition muette et anonymes de soi, fichage des « traîtres à l’égalité des droits », faible possibilité de débattre et de se faire comprendre.
c) Les figures de proue et l’état des troupes :
La loi de l’Union Civile est portée en Italie par Monica Cirinnà. C’est la Christiane Taubira locale. Teinte en blonde. Amoureuse des animaux. Du parti des Verts (comme par hasard…).
Du côté de la partie adverse, l’Italie (c’est déjà ça) a la chance de ne pas compter parmi ces leaders une femme comme Frigide Barjot (même si l’association Si Alla Famiglia tend à défendre, comme Virginie Tellenne, un « droit à la cohabitation » – l’Union Civile – pour éviter le droit à la filiation – le « mariage pour tous »). Cela dit, le mouvement d’opposition aux lois pro-gays doit, comme je l’ai dit plus haut, mettre en avant des personnalités homosexuelles au discours clair sur l’homosexualité, l’hétérosexualité et l’homophobie, pour s’en sortir. Et ce n’est toujours pas le cas. À part avec Giorgio Ponte.
Dans le mouvement d’opposition, les quatre personnalités les plus médiatisées sont : Mario Adinolfi (écrivain, intellectuel, politique de gauche le PD : on ne rigole pas pour le nom du parti, svp…), Costanza Miriano (journaliste et écrivain), Padre Maurizio Botta (prêtre), Marco Scicchitano (psychologue, pionnier de projets comme Pioneer en Italie).
Le mouvement compte bien des hommes de gauche (exemple : Mario Adinolfi). Il y a bien des femmes jolies, attrayantes et intelligentes (exemple : Costanza Miriano). Il y a bien de experts en jurisprudence ou en psychologie (exemple : Marco Scicchitano). Il y a bien quelques prêtres, évêques et cardinaux qui mouillent leur chemise (Monsignor Negri, Cardinal Biffi, Cardinal Caffarra, Monsignor Bagnasco, etc.). Mais ce sont les personnes homosexuelles qui priment dans le débat. Sinon, personne n’est réellement écouté. Et ainsi, dans le profil des militants, on retrouve davantage d’anonymes et une foule de « planqués-derrière-un-sigle », que de gens identifiables et efficaces médiatiquement. Le mouvement pro-Life se disperse en une myriade d’associations et de présidents à leur tête (avec en général le mot « Vita » ou « Figli » dedans) : Movimento Per La Vita (+ Centri Aiuto Alla Vita : Federvi P.A), Pro-Vita (président : Antonio Brandi), Feder Vita, Scienze e Vita (vice-president : Massimo Gandolfini), Giuristi Per La Vita (président : Gianfranco Amato), Si Alla Famiglia (président : Massimo Introvigne), Difendiamo I Nostri Figli (Massimo Gandolfini), Circoli Voglio La Mamma (Mario Adinolfi), Forum Delle Famiglie, Manif Pour Tous Italia, Sentinelle In Piedi, Associazione Genitori (A. GE.), Associazione Nonni 2.0 (président : Pierluigi Ramorino). La particularité en Italie (mais aussi le danger potentiel : spiritualiser le débat et se rendre inaudible), c’est que, conjointement à tous les mouvements que je viens de citer, il y a des associations qui osent porter haut et fort les couleurs du catholicisme : Associazione Genitori Scude Cattoliche (AGESC) (président : Roberto Gontero), Unione Giuristi Cattolici Italiani (UGCI), Comunione e Liberazione (CL : « la secte », comme je les appelle pour les charrier… car ses membres sont nombreux et partout !), Movimiento Cristiani Lavoratori (MCL), Alleanza Cattolica, Movimento Neocatecumenale, Opus Dei, etc.
Dans les personnalités les plus connues, en plus de celles que j’ai citées à l’instant, vous trouverez : Alfredo Mantovano (Giuristi Per La Vita), Massimo Introvigne (Alleanza Catolica), Luca Volontè (PPE), Antonio Socci, Vittorio Messori, Antonio Livi, Jacopo Coghe (Manif Pour Tous Italia), Maria Rachele Ruiu, Massimo Gandolfini, Roberto Marchesini, Raffaella Frullone, Pietro Invernizzi (Sentinelle In Piedi), etc. J’ai un gros faible pour Giorgio Ponte (homme homosexuel qui fait des passages-télé très courageux), ainsi que pour la journaliste de Tempi Benedetta Frigerio ( = la Taupe) qui n’a ni sa langue ni son humour dans sa poche. Il y a plein de gens et d’amis que j’aimerais citer mais qui, parce qu’ils ne sont pas médiatisés, ou parce qu’ils constituent le gros des troupes anonymes des Sentinelle In Piedi, doivent rester invisibles pour leur sécurité. Tout ce que je peux dire, c’est que l’Italie regorge d’intellectuels de haute volée (exemple : Ana Bono, Paolo Latini, Giovanni Reginato, etc.). Quant aux 9 villes du nord de l’Italie que j’ai eu le bonheur de connaître (Bologne, Turin, Mestre, Milan, Padoue, Trévise, Forlì, Rome, Vérone), j’ai trouvé que c’était à Turin, à Milan et à Forlì, que se trouvaient les plus « irréductibles » des combattants.
En vous dressant ce panorama non-exhaustif de la mobilisation italienne contre le « mariage pour tous », j’ai voulu leur rendre hommage (pardon, au passage, pour ceux que j’aurais oubliés), et aussi vous expliquer ce que se passe en Italie. Car ce pays étonnant, qui a énormément de ressources, est une vitrine mondiale importante, en partie en sa qualité de dernier bastion européen de la catholicité. En dépit de mon admiration, je ne peux cependant pas cacher mon inquiétude: tant que les personnes homosexuelles opposées au « mariage pour tous » ne se réveillent pas, et tant que les responsables du mouvement d’opposition ne leur cèdent pas les premières places, je crains que l’Italie se voie imposer très vite (à la rentrée?) l’Union Civile, et tout son cortège de casseroles (« le mariage pour tous », la loi contre l’homophobie, l’adoption, la PMA, la GPA, la réforme scolaire, la promotion de la transidentité et de la transsexualité, etc.). Il ne suffit pas d’avoir des richesses : il faut savoir les exploiter.