Je me suis rendu hier à la conférence « À quoi reconnaît-on un génie ? » qui s’est tenue au Grand Palais à Paris (le 1er février 2016). Je n’ai pas été étonné par la tournure idéologique du débat : discours anthropocentré et inconsciemment franc-maçon, athéisme obligatoire, préfiguration du spiritualisme scientiste que le Gouvernement Mondial va mettre très bientôt en place. Étaient présents à cette table ronde animée par Arnaud Laporte : le mathématicien Nicolas Gauvrit, le philosophe et physicien Étienne Klein, le professeur François Laroque, la réalisatrice Henriette Chardak.
Concernant le génie, les intervenants le définissait comme une affaire de personnalité originale, de créativité, de capacité, de bizarrerie « incompréhensible d’être parfois trop simple », d’éclair foudroyant, de mystère (dixit François Laroque), de savoir-faire, de créativité (dixit Nicolas Gauvrit), comme le fruit d’un accident (dixit Arnaud Laporte), d’une génération (Henriette Chardak), du « hasard » (Nicolas Gauvrit), d’une « crise » (Étienne Klein), d’une heureuse « contestation », d’un insolent mais naïf (donc jubilatoooire) « anticonformisme » (dixit Arnaud Laporte, le présentateur snobinard bobo de service).
Mais ils s’interdisaient tous de parler de génie en tant que DON, et encore plus de don divin et CHRISTIQUE. Le gros mot, c’est vraiment « Dieu », c’est « le Christ », c’est la « croyance » ! La seule qui s’est vaguement risquée à extraire le génie de l’humain de l’énigme anthropocentrée, pour le connecter à une réalité qui dépasse l’Homme, c’est Henriette Chardak : elle a évoqué « l’Amour », « la poésie » ainsi que la « conscience » chez les génies « de leur exceptionnalité », de quelque chose au-delà d’eux-mêmes. Mais ça n’est guère allé plus loin. Elle s’est tout de suite dédouanée d’un quelconque mysticisme : « Attention, je ne défends là aucune croyance religieuse. » a-t-elle rajouté, comme si elle allait se faire mitrailler sur place d’avoir osé déborder de la frontière de la rationalité scientifique. Sinon, pas un des invités n’a été fichu de voir dans le génie une explication plus surnaturelle, transcendante, voire même divine ou christique. Le sarcastique Étienne Klein a même trouvé le moyen de glisser à la fin de la conférence une attaque anticléricale en rappelant le cas de l’anarchiste Bruno Giordano qui avait été brûlé par l’Église soi-disant parce qu’il s’était opposé à la croyance en la virginité de la Vierge Marie.
Il semble que ces cercles de savants-philosophes cyniques passent sous silence toute la dimension humaine de la croyance, de l’amour, des sentiments, de la foi, pour n’étudier l’Homme que comme un amas de cellules, une machine un peu plus complexe que les autres (mais un système quand même), un accident physique qui un jour sera expliqué. C’est aberrant, une telle omission. Pourtant, l’être humain est par essence corporel et spirituel, réel et désirant, cartésien et croyant. Il est cœur, corps et âme, tout en Un ! Et cette unité pacifiante, vitale, entre les trois est permise par Dieu. Pourquoi avoir si peur de trouver à l’Homme une origine plus grande et pourtant plus humble (parce qu’aimante) que Lui ? L’orgueil de ces « savants du génie uniquement humain » (et surtout pas divin) m’a sauté aux yeux et aux oreilles hier après-midi.
Une autre question me travaille également concernant le thème du génie (et plus globalement des talents). Je trouve qu’on se trouve aujourd’hui à une époque paradoxale, où à la fois on isole les génies en les transformant en exceptionnalités hors du commun, à la fois on promet une accessibilité générale aux talents, une mondialisation du génie, une potentialité d’exceptionnalité à tout le monde (même aux enfants : cf. le phénomène récent des « surdoués » ou des « enfants précoces »), une généralisation de l’exception par la bonne intention (« Tout le monde doit être génial parce que tout le monde a des qualités »), par les progrès des sciences (et notamment des neurosciences), par le perfectionnement technique de la créativité (audiovisuelle, artistique, musicale…), au nom de la simplicité et de l’humanité des vrais génies (qui sont d’abord des hommes comme tout le monde). En gros, voilà un peu l’injonction paradoxale qui en ressort : « Les génies sont rares » et « tout le monde est rare… donc tout le monde est génial ». Se vérifie derrière ce démagogique syllogisme de l’individualisme de masse la funeste prédiction du méchant Syndrome dans le film d’animation « Les Indestructibles » (2004) de Brad Bird : « Si tout le monde est exceptionnel, plus personne ne le sera. » (J’entends « exceptionnel » ici non pas dans le sens divin de « l’exceptionnalité dans la vulnérabilité de l’Amour de Jésus », mais bien d’« exceptionnel » dans le sens mondain de « performance »).
Cette tendance à isoler, à déchristianiser puis à universaliser le génie, on l’observe actuellement très bien dans les émissions de télé-réalité, de plus en plus branchées hypnose, neuroscience, psychologie, écologie du futur, savoir-faire. La généralisation du génie humain (La France a un incroyable talent ; The Voice ; Les Extraordinaires ; Stars sous hypnose) se rapproche du culte de l’Être suprême fomenté par les philosophes des Lumières (XVIIIe siècle). Ce n’est pas pour rien que pendant la conférence, François Laporte a employé plusieurs fois la périphrase « Génie Universel ». Je crois que le génie, tout en étant présenté pour le spectacle comme un fait magique isolé, est un projet mondial concrètement visé par nos architectes du Gouvernement Mondial. On veut faire de nous tous des génies, dans une forme d’eu-génie-sme écolo-technico-spirituel, si je puis dire. Il existe vraiment un projet (à mon avis antéchristique) pour universaliser le génie humain en vue de créer une humanité améliorée, augmentée, « parfaite » (sans le Christ), immortelle, capable de tout par elle-même, à proprement parler « géniale », en vue d’exploiter chez l’Homme toutes ses « potentialités » insoupçonnées, potentialités voulues « illimitées ». L’orgueil habillé en vert et en habit de lumière technologique !
Le plus inquiétant dans cette phobie de la transcendance (qu’on peut observer chez les débateurs du génie), dans cette mise à l’index de la croyance chez l’Homme (alors que la foi constitue une très grande part de sa nature), dans cette rupture orchestrée entre science et divinité, c’est qu’elle prépare un amalgame de la Science et de la Croyance entre elles, justement. Un amalgame pas très heureux s’il ne se fait pas en Christ. Fuyez le naturel, il revient au galop ! Les chercheurs, mis de plus en plus scientifiquement devant les limites de la matière, tout en en décelant le mystère et la potentialité qui la dépassent, vont très vite (et beaucoup plus vite qu’on ne le croie) basculer de l’athéisme le plus radical vers le scientisme le plus superstitieux (comme on peut déjà le constater dans ce reportage sur la Pyramide de Khéops, où des savants de renom nous prouvent le plus scientifiquement du monde que certains monuments, n’ayant pas pu être construits par des Hommes, n’ont pu qu’être le produit de forces extra-terrestres). La fusion entre science et sentiment, technologie et croyance, est imminente et, je l’admets, inattendue.