Je suis votant FN… euh pardon, je suis royaliste.
En ce moment, le militant FN fleurit. Encore tapi dans l’ombre – mais plus pour très longtemps –, il s’autorise maintenant beaucoup d’excès (verbaux, physiques), parce qu’il a envie de jeter l’éponge et de démissionner de son époque, parce qu’il a envie de grand changement radical et brutal, parce que c’est le bordel et le flou croissant en France, parce que le mécontentement se généralise (et le FN a toujours eu pour fond de commerce la peur, le ras-le-bol sans forme et les frustrations humaines). Fini le temps où il ruminait en silence sa rancœur, son exaspération, ses peurs, sa colère, et sa déception de tout, de la politique surtout, de l’Église vaticane un peu, du Monde contemporain globalement. Maintenant, il se lâche, et surfe sur toutes les vagues de l’anti-conformisme anti-étatique anti-République anti-médias : les élections du Doubs, la Syrie et l’Ukraine, l’indigence et la violence du courant « Je ne suis pas Charlie », le soutien à Poutine, la lutte contre l’euthanasie, la dénonciation de l’anti-terrorisme gouvernemental, les crèches et la christianophobie, etc.
Et il se fera un plaisir de sauter à la gorge du premier cas de crétin anti-F-Haine qui se présentera à lui (et Dieu sait s’il y en a en ces temps de guerre civile larvée entre « intégristes » et « progressistes »). Il se l’inventera, même, ce crétin ! Il le verra partout, grossira son influence, se gaussera de ses imprécisions lexicales ou argumentatives (confusions entre « xénophobie » et « racisme », ou « FN » et « extrême droite » voire « intégrisme », etc.), pour se justifier de répondre à sa violence par une violence décuplée, supposée inférieurement proportionnelle à la première. « L’Esprit Charlie », ça le fait ricaner et frétiller autant que ça l’agace. Le militant FN rêve que ses détracteurs soient bêtes, violents, simplistes, diabolisent le FN, s’y opposent bêtement et méchamment. Il ne veut être contredit que par des Antifas sans cervelle. Il ne voit d’ailleurs les attaques contre le FN que comme des bouffonneries d’étudiants boutonneux gauchistes, du moutonnage idéologique dans l’air du temps, une naïveté conformiste et relativiste, une preuve qu’il est le seul à se bouger, à dire les choses et à avoir raison. Il est incapable d’envisager qu’on puisse critiquer le FN à juste raison, avec calme, vérité et discernement. Son credo, c’est « Y’a que la Vérité qui blesse ! », ou « Il faut dire ses 4 vérités à tout le monde : y’en a ras-le-bol de la langue de bois et du relativisme ! », ou « La fin justifie les moyens ! ». Ennemi de la modernité, infatigable râleur et critiqueur, il déteste son époque. Il ne la solutionne pas : comme Zemmour, il ne fait que la diagnostiquer cyniquement. Il ne s’envisage pas comme un peureux ou un parano car pour lui, tout est dans le « réalisme ». La « réalité » (le fameux « Je suis lucide »), c’est le grand concept rhétorique du FN.
Post public lu sur Facebook le 9 février 2015, par un pote votant FN, et ne jurant que par la « réalité » pour blanchir sa sincérité
Or bien souvent, le « réel » qu’il voit ou annonce avec sincérité et urgence n’est que le fruit de ses propres attentes ou projections fantasmées (je me souviendrai toujours des militants FN qui me prédisaient, en se valant de l’observation scrupuleuse de la « réalité », qu’on ne compterait plus les voitures brûlées et les dégradations avant et après le match de la Coupe du Monde Allemagne/Algérie du 30 juin 2014 : résultat des comptes de leur « réalisme », aucune dommage n’a été observé !) Le militant FN n’a pas compris que la Vérité ou la Réalité sans la Charité, ce n’est plus vrai ni réel. À quoi sert d’être « lucide » si on n’aime pas ? Penser que le réel prévaut sur la confiance et la Charité, c’est finalement donner au mal plus d’importance qu’au bien. C’est se tromper de Vainqueur. Le militant FN a peur d’aimer, car il considère l’Amour comme une soumission, du bon sentiment, de la naïveté, du ridicule, du repli. Il préfère prendre constamment l’attitude du persécuté dont le seul message est « Mais de toute façon, vous ne nous écoutez pas et vous nous tirez toujours dessus ! » (en attribuant cette victimisation à l’extérieur), pour mieux se justifier d’être un agresseur, un sniper caché et désabusé.
Le militant FN, il s’avance doucement et lâchement. Il n’existe même pas pour lui-même. Il ne se croit même pas du FN ! À ses yeux, le FN, une fois qu’il est identifié et qu’il gagne en pouvoir, c’est déjà un collabo de l’UMPS ! Le votant FN dira rarement qu’il vote FN. En général, il nie son appartenance politique, puisqu’il nie la politique et est allé vers elle par déception du politique, justement ! Dans un premier temps, il préfère s’annoncer comme « royaliste » : ça fait mieux, plus discret, plus religieux, plus inoffensif, plus « doux rêveur », plus « héros romantique », plus outsider, moins « Collabo du Système que le FN même » et moins « beauf de droite » que le commun des électeurs FN. Puis petit à petit, il méprise l’ensemble de la gauche, une grande partie de la droite, et regarde le nouveau Pape (et son succès populaire) d’un mauvais œil. Progressivement, on l’entend dire qu’il « comprend » les votants FN, que ces derniers n’ont pas tort, voire que Marion Maréchal Lepen est « très claire » et « convaincante ». Il commence à bouder dans son coin, à ricaner dès qu’il entend le mot « FN », voire à s’énerver fortement dès qu’il voit formuler une opposition ouverte au FN (Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi ! C’est trop facile ! Les camps des extrêmes ont changé ! Pourquoi en rester sur une bipolarité manichéenne datant de 1968… ou de la révolution Française ? Comment oser critiquer le FN ? Aujourd’hui, politiquement, c’est ce qu’il y a de mieux ! Qu’as-tu de mieux à proposer ??). On lui parle de Christine Boutin, de Force Vie, de Philippe de Villiers, d’une gauche catholique ? Il nous rit en nez. Lui, il veut du crédible ! Du sans-concession ! Des gars qui tapent du point sur la table, qui savent faire preuve d’autorité, qui pèsent sur l’échiquier politique, qui font le ménage ! Pas de la politique de tarlouzes ! Pas des « gentils » ! Il en a marre (et ça, on peut le comprendre) de l’anti-fascisme moralisant, qui est le fondement de la censure d’aujourd’hui, particulièrement diffuse dans notre monde politique et médiatique vendu à la bien-pensance gauchiste. Le problème, c’est que, dans l’extrême inverse, il rentre exactement dans le jeu de cette censure, car lui aussi, il ne jure que par les médias (qu’il nomme « merdias » pour ne pas assumer son asservissement à ces derniers) et le JT du 20h, lui aussi est haineux et idéologue comme Madame Taubira et Monsieur Valls, lui aussi pense que la fin justifie les moyens ! C’est « bonne intention » contre « intention musclée ». Mais dans les deux cas, c’est l’intention qui prévaut sur l’amour vrai, ce sont le Réel et la Charité en actes qui sont désertés !