(par Vincent Rouyer)
Petite leçon pour ceux que ce site interpelle et qui continuent souvent bien malgré eux à se laisser piéger par un vocabulaire qui a conduit tout droit à justifier les fondements de la loi Taubira : L’utilisation du terme homosexualité participe à la lente intoxication de la pensée qui nous a conduit à considérer comme équivalentes des choses par nature différentes.
Le terme d’hétérosexualité a été inventé au XIXème siècle par le psychiatre austro-hongrois Krafft-Ebing pour faire pendant au terme d’homosexualité qui venait d’être inventé juste un an avant. Il servait à désigner une sexualité libertaire dégagée des contraintes bourgeoises de la procréation et qui pouvait s’orienter autant vers les hommes que vers les femmes. L’homosexualité se définissant, elle, comme une sexualité dirigée vers le même sexe. Le but étant de définir un type de sexualité symétriquement opposé à l’homosexualité mais pas de définir une sexualité normale. En considérant qu’à la même époque les aliénistes français de la fin du XIXème avaient défini la dépression et la manie comme deux entités pathologiques symétriques qu’Emil Kraepelin regroupera au début du XXème siècle sous le terme de psychose maniaco-dépressive (concept qui a évolué depuis vers celui de trouble bipolaire) en considérant que ni l’état dépressif, ni l’état de d’excitation maniaque ne correspondent à la norme en matière de santé mentale.
Par la suite, le terme d’hétérosexualité a été abusivement assimilé à la norme dans le but de construire une vision essentiellement bipolaire de la sexualité humaine, vision centrée uniquement sur l’attraction superficielle que peuvent exercer sur les individus les stéréotypes de l’homme et de la femme objet, sans tenir compte de la richesse et de la complémentarité originelle contenue dans la différence des sexes et manifestées dans l’homme et la femme réels. Car le fondement même de la sexualité humaine dans sa forme la plus aboutie, c’est bien la différence des sexes couronnée par l’amour, différence qui non seulement fonde le terme même de sexualité (comme le rappelle Fabrice Hadjadj dans son excellent ouvrage intitulé « La Profondeur des sexes ») mais qui est également au fondement de chacun de nous en tant que nous en sommes issus.
Cette bipolarisation idéologique de la sexualité humaine avait déjà été remise en cause sur le plan scientifique dans les années 50 par le fameux rapport Kinsey qui montre bien qu’il n’existe pas deux catégories distinctes de désir sexuel chez l’homme mais que l’homosexualité peut être considérée comme une dimension plus ou moins ancrée ou dominante suivant les individus.
Néanmoins cette vision dichotomique continue à s’imposer dans le débat actuel à travers une lecture idéologique de la société qui vise à remplacer la différence des sexes par la différences des orientations, les droits de l’homme et de la femme par les droit des homosexuels et des hétérosexuels. Dans les débats, l’homosexualité est assimilée par de nombreux militants au fait d’être gaucher : La majorité des individus étant droitière a imposé à la société un modèle de civilisation fondé sur la dominance de la main droite et qui désavantage les gauchers, de même la majorité des individus étant selon eux « hétérosexuelle » aurait imposé à l’ensemble de la société une « hétéronorme » désavantageant les personnes d’orientation homosexuelle.
Si l’on considère l’hétérosexualité comme une norme sexuelle ou comme la forme aboutie de la sexualité humaine (ce qu’elle n’est pas) rien ne s’oppose à ce type de raisonnement et les revendications égalitaires qui ont abouti à la loi Taubira sont intellectuellement fondées.
Combattre la loi Taubira et ses idéologies sous-jacentes c’est donc d’abord combattre les concepts qui l’on porté et en premier lieu celui d’hétérosexualité.
Vincent Rouyer