Hier soir, avec deux amis, sur invitation, je me suis rendu à la projection (top bobo, comme sortie : désolé…) d’un film coréen qui a apparemment été un succès au box-office en 2002, « Jiburo » de Jee Jeong-Hyang, avec un débat à l’issue de celle-ci, au Centre Culturel Coréen de Paris.
Le synopsis est assez simple : Sang-Woo, un gamin de 7 ans originaire de Séoul, capricieux et abreuvé de jeux vidéo, passe un temps de vacances à la campagne chez sa grand-mère muette, et y apprend « la vie ». Ce film est présenté comme une humanisation/éducation de l’être humain par la Nature, sur fond de rencontre improbable entre deux générations que tout semble opposer.
Je ne discuterai pas de la qualité de ce film petit budget et cousu de fil blanc. Mais ce qui m’intéresse, c’est l’idéologie/spiritualité qu’il y a derrière. Même s’il est daté (20 ans, ce n’est pas rien), il nous dit véritablement ce qu’est la Nouvelle Religion mondiale qui s’impose aujourd’hui dans tous les cœurs et les consciences, à savoir le « panmongolisme » dont parlait déjà Soloviev mais aussi Michael O’Brien : cette cosmovision venue de l’Orient (ça, ça plaît à toutes les loges francs-maçonnes !) asiatique où la Justice n’est plus ni humaine ni divine (au sens christique) mais vient uniquement de la Nature, des circonstances, des événements et donc d’une forme de « Destin » fatal « ni bon ni mauvais » (le fameux « équilibre » moniste entre « le Yin et le Yang », qui viendrait contrecarrer le « manichéisme judéo-chrétien », et pour lequel le bien et le mal n’existerait pas). La Chine, le Japon, la Corée, et les pays asiatiques communistes et déchristianisés en général, tentent de remplacer l’air de rien Jésus par cette Nouvelle Religion New-Age antéchristique. Et apparemment, ça marche bien. Hier soir, la salle était emballée et attendrie. Moi, atterré.
Dans ce film, globalement, les Humains, en cas d’injustice ou de maltraitance (le jeune héros passe son temps à mépriser sa grand-mère et à lui désobéir, à taper aussi sa maman), ne s’éduquent pas entre eux, ne se reprochent rien, ne se vengent ni ne se pardonnent, ne se révoltent pas, ne dialoguent pas, ne se corrigent pas et ne se rendent pas justice. C’est uniquement la Nature et les événements qui font Justice (je pense par exemple à la pluie qui « sert de leçon » à Sang-Woo et le tire de sa paresse de ne pas avoir ramassé le linge à sécher à temps ; je pense à la santé et à la maladie qui lui apprennent à manger plus équilibré ; je pense à la vache folle qui le punit en le coursant ; je pense à la faim qui le pousse à manger le poulet apporté par sa grand-mère au lieu que celle-ci le lui ait demandé en le forçant avec autorité ; etc.). Et les Humains sont leurs objets. C’est la totale impunité pour eux d’un point de vue humain. Ils ne sont quasiment pas dotés de parole, d’autorité, de liberté, de sagesse, de pédagogie. Le gamin est odieux ? Personne ne lui dira rien ! : c’est la Nature et les événements qui se chargeront d’éduquer le jeune Mowgli urbain (c.f. la scène où Sang-Woo tombe amoureux ressemble à s’y méprendre à celle du « Livre de la Jungle » de Disney, d’ailleurs). La Tradition naturaliste dompte la Civilisation humaine : c’est le Monde à l’envers. C’est « Sainte Nature », « Saint Paysage », « Saint Silence » (puisque la Nature ne parle pas : atrophie totale du langage), « Saint Destin » ! L’Humain, en revanche, est déchu de sa sainteté.
Et bien sûr, derrière toute cette idéologie panmongoliste verte se cache une misanthropie (haine des Humains), en particulier misandre et parricide (les pères sont totalement absents, les gamins sont des petits machos : on retrouve l’enfant-roi mâle et le machisme intrinsèque aux civilisations asiatiques communistes), mais aussi un féminin sacré asexué (On nous rappelle que les hommes sont moins nombreux sur Terre que les femmes ; ou bien que la sagesse vient des femmes ; les gamins du film sont tous asexués ; dans le générique final, la réalisatrice écrit que « son film est dédié à toutes les grands-mères maternelles »… même si, concrètement et symboliquement, elles sont maltraitées et traitées comme des chiennes à l’écran).
Mais bon, ce qui m’a le plus scié, ce n’est pas uniquement les messages de ce film indigent célébré comme un « chef d’œuvre ». C’est surtout l’« analyse » scolaire de l’experte coréenne qui l’a commenté après la projection (degré zéro de l’esprit critique : « C’est un film magnifique, la rencontre entre deux mondes » ; elle a même présenté l’éducation « positive » et totalement soumise de la grand-mère comme de « l’Amour inconditionnel ») et l’abrutissement/soumission général chez les spectateurs (apparemment conquis et ne trouvant rien à redire). Je me suis senti en total décalage. Les gens ne savent plus réfléchir. Mais vraiment. Ils ne savent plus identifier le mal, s’insurger contre le processus de leur déshumanisation par la « Nature », et encore moins reconnaître le Bien (Jésus) et le défendre. Je me suis évidemment gardé de relever devant eux le chiffre de la Bête (Ap 13, 17), le 666, que j’ai aperçu dans le film (À trois reprises, le bus « n°6 » apparaît à l’écran) : je serais vraiment passé pour un taré. Mais j’ai au moins pu débriefer en toute liberté avec mes deux amis à la sortie, pour leur expliquer combien le panmongolisme (la Nouvelle Religion mondiale de la Bête antéchristique) avait envahi le Monde actuel.